mardi 31 mars 2009

A la revoyure

Y’a pas à tortiller, y’a des absents qui vous manquent plus que d’autres. Je sais, mon papa, ma maman, vous vous dites. Mes enfants, ce serait pas de bol. Y’en a qui s’en vont. Ceux-là, vous pensez. C’est pas exactement ce que je veux dire. C’est autre chose que des liens de sang et d‘amour. Des qui vous manqueront pour des questions d’image, de phantasme, de ce qu’on s’était imaginé d’eux, de ce que leur présence au monde signifiait de possible, de rêve non éteint, d’apport d’air, de route à faire, de futur imaginable, de lointain, de perspective. Ceux-là vous manquent vraiment, comme si, avec eux, s’en allait la part de vous qui est encore capable de se réveiller demain matin, de recommencer. La plus grande surprise, quand ils s’en vont, est-ce que ça serait pas qu’il reste encore des rêves à perdre?

lundi 30 mars 2009

Elle est fraîche...

Avez-vous déjà eu quelque chose à vendre? Un produit, je veux dire. Une chose dont votre avenir financier dépend. Moi, c’est des livres. En temps normal, lorsqu’on établit commerce avec une autre personne, commerce dans le sens ancien de relation, d’ordinaire, on choisit plus ou moins son interlocuteur ou, du moins, choisit-on avec lesquels on s'ouvre ou non. Et sur des critères souvent inavouables. Si, si, avouez!. Vous préférez une belle femme à une laide, un homme jeune plutôt qu’un vieux, un qui aura l’air plutôt intelligent et non un crétin évident, une grosse poitrine plutôt qu’une petite. Allez, avouez. C’est pas joli, joli, sur la carte de visite ça ne fait pas très bien mais nous sommes ainsi faits. Lorsque vous vendez une chose, le point de vue est totalement différent. On ne s’autorisera jamais à dire qu’on ne vend pas de livres aux moches, aux cons, aux trop petits, aux trop snobs, aux trop vieux... On vend, point barre. Bien content. Et pourtant. Si on y réfléchit.... En fait, lorsqu’on a quelque chose à vendre, insensiblement, on se retrouve soi-même, en quelque sorte, à vendre. Elle est fraîche, ma moule!....

dimanche 29 mars 2009

C'est pas drôle

Que l’église catholique ait encore de l’influence, que près de la moitié du genre humain croie ses jolies histoires, je vous l’avoue, cela me stupéfie, me laisse sans voix. Même si je sais que le produit est plutôt bien ciblé: une vie après la mort, c’est imparable. On sent que ça peut se vendre. Et ça se vend. Hélas, avec la promesse d’éternité, pour les gentils seulement, attention, faut quand même pas pousser mémère dans les orties, avec cette promesse, donc, ils vous livrent un tas de fatras dont vous n’aviez pas besoin. C’est à prendre ou à laisser. Le lot ou rien. L’actuel gourou en chef ne manque pas d’estomac. Et côté lot, nous sommes servis. Je sais mon esprit assez simple, assez peu perspicace, basique, mal dégrossi, mais je suis de ceux qui affirmaient qu’il n’allait pas forcément nous faire rire. A cause de son passé nazi. Mais c’est trop simple. Je suis caricatural. N’empêche, il est à la hauteur. Il enfile les perles ultra conservatrices. On pourrait en rire. Si son influence, justement, n’était pas ce qu’elle est. Mais on découvre, c’est assez épatant, que ses sbires ne sont pas beaucoup plus modernes que lui. Les cardinaux s’en donnent à coeur joie. Il y en a même un qui, pour excuser le dérapage du grand clown blanc papamobilé sur le latex a affirmé péremptoire: vous n’êtes pas dans la réalité. On pourrait rire. Elle est bien bonne. Ils nous chantent une histoire inventée voici deux millénaires et ils nous accusent de ne pas voir le réel. Avouez! On pourrait rire... Si ce n’était pas si tragique.
Mais que cette bande de travestis (ils portent tous des robes) endimanchés utilisent leur influence pour imposer leur propre vérité scientifique, comme aux pires moments de l’histoire, comme quand, par exemple, il était interdit de dire que c’est la terre qui fait le tour du soleil, quand on en arrive là, cela porte un nom: l’obscurantisme. Et ça, ça ne peut pas faire rire.

samedi 28 mars 2009

Vroum!...

Ce que j’ai pu l’aimer, la bagnole, vous avez pas idée. Le rouge d’une Ferrari, le son de son V 10. Le blanc des Porsche, leur moteur tellement atypique. Un crétin qui m’avait percé à coeur m’avait un jour promis que, si je me mettais au travail, je pourrais enfin l’avoir, ma toto rouge. Il avait compris. J’en rêvais vraiment. Mais là, aujourd’hui, désolé, non, vraiment. C’est fini, l’auto. Aussi passéiste que rêver d’une montgolfière, d’une machine à écrire Underwood, d’un téléphone en bakélite. L’industrie automobile bouge encore mais c’est déjà un cadavre. Des gens sur le carreau, des malheureux qui vont perdre leur emploi. C’est sûr. Mais à quoi sert de s’entêter? C’est fini, N.I.N.I.. Ce modèle de développement est déjà derrière nous. On peut renflouer, soutenir, tout ce qu’on voudra. Rien n’y fera. Renault, Peugeot, Citroën, c’est déjà du passé. Allez, Raymond, disait Raymonde Bidochon à son mari qui venait d’apprendre que ses testicules n’étaient que vestigiaux... Ne t’énerve pas, ça sert à rien, maintenant.

vendredi 27 mars 2009

Trou

Ce matin, j’ai mis une chaussette trouée. On ne fait pas ça! Imagine que tu aies un accident, que tu veuilles t’acheter des chaussures, que tu fasses une rencontre galante.... Grillé. Je m’en moque. Je n’ai pas l’intention d’avoir un accident ni d’acheter des pompes. Et si je fais une ambiguë rencontre, j’aurai un prétexte pour ne pas faire de bêtises. Que des avantages, en quelque sorte. On devrait tous porter des chaussettes trouées. Je revois ma grand-mère avec son aiguille et son œuf. Pas un vrai. En bois, l’œuf. Spécial reprisage de chaussettes. De bas aussi. Les bas coûtaient très cher. Même mon père savait faire ça. On ne jetait pas les chaussettes pour un malheureux trou. Mon papa, l’aiguille à la main, c’était une image fort sympathique. Et moi, je vais les balancer, bien entendu. Vous croyez qu’on pourrait encore trouver un œuf en bois?

jeudi 26 mars 2009

obsolète

Jeune homme, j’avais la chance de faire partie d’une bande de gugus passionnément amoureux des mots et nous recherchions, souvent dans le dictionnaire, les plus inusités, abscons, frappés d’obsolescence, sibyllins, et devions relever le défi d’en ramener un nouveau pour chaque rencontre. Zeugma, amphigouri, dithyrambe, obsolète, entregent, émétique, marmoréen, procrastination, ancillaire, épistolaire, déréliction, circassien, anachorète, vernaculaire, prolégomènes s’en sont ainsi venus, entre autres, et l’un après l’autre, enrichir notre vocabullaire. Le plus délicat fut souvent de les placer judicieusement au milieu de nos phrases quotidiennes, ce qui était un autre volet du défi. Je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça. Peut-être parce que je ressens que c’en est fait, que ces mots vont maintenant, dans cette période où l’exemple vient d’en haut, véritablement tomber dans l’oubli. Et avec eux, quoi?

mercredi 25 mars 2009

Etat policier

Au train où vont les choses, je vous l’annonce, nous serons bientôt tous en prison. Les forces de l’ordre interpellent à tour de bras, pour des motifs de plus en plus futiles et vous collent derrière des barreaux quasi systématiquement par invention d’outrage, pour blessure imaginaire, insultes soi-disant proférées. Cinq cent quatre vingt mille l’an dernier. Vous avez bien lu. Et si vous vous croyez à l’abri et bien vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Parmi ces interpellés, une majorité de gens absolument sans histoires. Comme vous et moi. Enfin, vous, surtout. L’ironie, c’est que, à ce rythme, nous y serons tous, réellement, bientôt. Ce jour-là, il n’y aura plus de prison. Puisque nous y serons tous. Et le plan de notre tyranneau aura capoté, par la faute du zèle de sa milice. Pardon, on dit encore de ses “fonctionnaires de police”.

mardi 24 mars 2009

Vent

Le vent. Des fois je me dis, quand il me glace, me rafraîchit, m’empêche d’avancer, me fait voler des poussières dans les yeux, je me dis que le courant d’air doit être aussi vieux que le monde. Du sud, d’ouest, de folie, de tempête, le vent, d’autan, fœhn, sirocco, du midi, mistral. Chacun le sien et, pourtant, comme l’idée qu’ils ont toujours existé, toujours soufflé, toujours emporté çà et là des arbres, des huttes, des maisons. Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver. Mais celui que je préfère, c’est le vent de colère, aussi vieux que l’humain, dont je me dis, ces matins-ci, qu’on pourrait enfin le revoir souffler.

lundi 23 mars 2009

Belle maman

Normalement, une belle-mère, c’est une vieille chose en pantoufles et à la coiffure permanentée et improbable. La mienne, pas du tout. Saute au paf. Le feu aux fesses. Des jupes microscopiques, des talons, de la poitrine en vitrine, et lourde, mais lourde. Le genre Mme Robinson du Lauréat. Vous entrevoyez? Tromper sa femme, à priori, je suis pas fana, fana. Avec sa mère, ce serait un cauchemar. La vioque, pas si vioque, hélas, elle, elle me veut. Et que je te minaude et que je t’appelle tout le temps pour des coups de main, monter des tringles, déplacer des meubles. Des coups de main mon œil. Elle s’arrange pour me donner à voir tous ses endroits secrets. Avec une discrétion!.. Je l’ai jamais vue nue mais c’est comme si. Je connais tous ses recoins. Si j’avais un ami véritable, j’aurais au moins à qui en parler. Mais là? Je vais tout de même pas en parler à ma femme. Tous les mecs que je connais m’enverraient aussi sec la sauter. Au secours!....

dimanche 22 mars 2009

les bons sentiments

I comme Icare. Vîtes-vous ce film? Je vous le conseille. Pour une scène, surtout, où un scientifique, joué par Marcel Maréchal, menant des études comportementales sur le rapport victime-bourreau, éclaire Yves Montand, politicien à peu près intègre, mais avant tout mû par de bons sentiments, sur ses expérimentations. Il s’agit d’analyser le comportement de volontaires à qui l’on donne l’ordre de torturer, en administrant des décharges électriques de plus en plus fortes, et qui le font sans beaucoup de scrupules, en ignorant que le torturé est un complice et que tout cela n’est finalement qu’une expérience sans conséquences.
Fort de son humanisme de bon aloi, Montand finit par se scandaliser, ignorant ce qu’il en est du subterfuge, dans le genre: c’est intolérable.... Comment peuvent-ils? A quoi Maréchal, cynique, lui rétorque qu’il a attendu, lui-même, deux cents volts pour réagir, ce qui n’est pas l’indice d’une conviction très profonde.
Et nous, notre limite, où croyez-vous qu’elle se situe? Et croyez-vous sincèrement que les horreurs terrestres ont une chance de s’interrompre tant que nous les jugerons à l’aune des bons sentiments?

samedi 21 mars 2009

la règle et l'exception

L’exception qui confirme la règle. Autrefois... Je sais, cette phrase à peine écrite, je comprends que je viens de me couper des trois quarts des lecteurs potentiels. Autrefois... Vieux con. Néanmoins, autrefois, on citait assez fréquemment cette phrase: c’est l’exception qui confirme la règle. Ce qui signifiait, d’une part, qu’il existait une règle et, de l’autre, que ses exceptions n’étaient pas démonstratrices de sa fausseté mais plutôt la marque de ses limites, limites démontrant que la règle avait bien une consistance .
Je ne surprendrai personne en continuant par : de nos jours. De nos jours, donc, l’exception EST la règle. A tel point que, dans l’incapacité de faire un panorama complet, limites de l’esprit oblige, de tous les points de vue, on s’interdit d’en pouvoir dégager une généralité, une règle, et que, la plupart du temps, on s’interdit, donc, de voir dans l’infinité de causes possibles une cause plus généraliste.
Et bien, j’en suis navré, mais, malgré son impression de liberté absolue, particulièrement de l’esprit, le peuple terrestre continue, selon moi, à agir, penser, croître, selon des règles tout à fait évidentes dont chacun n’est que l’exception qui la confirme. Jamais, peut-être, les humains n’auront été aussi peu libres. Paradoxe que celui qui consiste à croire, d’un côté, qu’on s’est affranchi des dogmes et, d’un autre, à les suivre aussi aveuglément, par cécité idéologique.

vendredi 20 mars 2009

Génie

- Un génie! Un génie! C’est quoi, un génie? Une ombre qui jaillit d’une lampe magique quand on la caresse assez longtemps...
- Dit comme ça, c’est assez sexuel.... Non, je parle d’une autre sorte de génie. Einstein, Goethe, Mozart, tu vois.. des grosses têtes. Tout dans la tête.
- Comme les spermatozoïdes, je te ferais remarquer.. Tout dans la tête. Juste un tout petit filament pour se déplacer... Tu crois que les génies seraient les spermatozoïdes de quelque chose? Ils ensemenceraient quoi?
- La pensée, cher ami. Ils font des enfants à la pensée.

jeudi 19 mars 2009

Nuit

La nuit? Drôle d’endroit. Rêvez-vous? Moi, au fond, je n’en sais rien. La nuit est partie de ma vie. Et ce que j’y vis sent le sang, la chair, le palpitant. J’y apprends. Entouré de spectres, comme au coeur d’un théatre de génie, j’y vois, j’y prends, on m’enseigne. Et quoi? Des considérations sur ma personne? Certes, puisque j’y suis tous les acteurs. Mais, bien plus, sur l’autre, les autres, le mouvement de l’univers, la manière dont chacun de nous y trouve une place, sa place, avec ses masques, ses mensonges, sa vérité. La nuit? Drôle d’endroit où je vous rencontre.

mercredi 18 mars 2009

Pas très net..

Il paraît, il y en a qui disent, que se laver le matin vous met de bonne humeur. Je déteste me laver le matin. Ça me rendrait plutôt ronchon. J’ai entendu dire, en plus, que ce ne serait pas aussi bon qu’on dit. On se laverait trop. La peau est une défense naturelle contre le monde extérieur. A force de la frotter, de l’enduire de produits tous plus ou moins chimiques, caustiques, décapants, on enlèverait une partie de ses aptitudes à la protection. Il faudrait se contenter d’un jour sur deux. Sur trois. Le reste, ablutions. Vive l’eau fraîche. Comment ça, on sentirait? Ah!.. Vous êtes du genre à ne pas supporter les odeurs naturelles. Moi, j’aime. Comme les poils sous les bras, chez les filles. J’ai mauvais caractère? J’admets. Peut-être que si je me lavais tous les matins.....

mardi 17 mars 2009

Mimosa

Depuis que tu n’es plus là, c’est la première fois que nous avons de nouveau un mimosa dans le jardin. Un mimosa digne de ce nom. Volumineux et abondamment fleuri. La première fois depuis huit ans qu’on en coupe des branches qui parfument la maison, qu’on y voit ces petites boules jaunes si éphémères. Et, bien sûr, avec elles, le souvenir de toi qui s’en revient flâner. Le petit train du souvenir.

Ceux qui m’aiment prendront ce train.

lundi 16 mars 2009

Dimanche!... Manche

Dimanche. Imaginez le sens que peut avoir ce mot pour un littérateur à plein temps. Si c’est, de surcroît, un mécréant enragé, le dimanche s’annonce toujours sombre et plein de vide. Manque de chance, il fait beau. Sens ou pas, direction la plage. Ce serait tellement dommage de n’en pas profiter. Bon, allez, d’accord, concession. Mais alors, on se fait la totale. On déjeune d’abord chez les parents. Après je ferai la sieste au soleil.

Des mômes, il y en a partout. Pour mettre les pieds dans l’eau, il a fallu remonter les bas de pantalon. D’autres sont en culotte. Les maillots sont encore dans les armoires. Il ne faut pas exagérer. On n’est même pas au printemps. C’est amusant. A se demander pourquoi on achète des maillots, en fait. Totalement inutile. C’est gai, c’est vivant, ça bouge, ça crie, ça part, ça revient. C’est plein d’énergie, de joie de vivre. Quand on a décidé de faire la sieste!... Un dimanche, en plus. J’en arrive à me dire que la seule différence entre les mouches et les gosses, c’est que les mouches, elles, on s’en débarrasse avec un bon coup de tapette.

dimanche 15 mars 2009

Poule, vos papiers!...

La poule du voisin, je ne parle pas de sa maîtresse, non, mais d’un gallinacé, une belle petite poule rousse, comme dans le conte pour enfants, a brisé, l’autre jour, ses liens. Un trou dans la cage, je suppose. Tout l’après-midi, je l’ai vue, de mon bureau, gratter frénétiquement le sol, le tout nouveau sol du tout nouveau monde enfin ouvert à sa gourmandise, une patte, puis l’autre, puis picorer, des vers de terre, sûrement, au goût exquis de neuf et de liberté. Avec un entrain absolument Stupéfiant. Infatigable. Elle semblait heureuse. Les poules peuvent-elles être heureuses? Le lendemain, le voisin m’a demandé si j’avais des nouvelles de sa jolie poule rousse disparue. J’ai fait l’innocent. Un renard avait dû l’avoir, un chien ou bien un voisin bien content de manger du poulet un autre jour que le dimanche. J’ai pensé que, si j’étais Daudet ou La Fontaine, j’aurais pu en faire une fable sur les dangers de la liberté.

Mais je me suis ravisé. C’était une idée totalement ringarde. Non, ce qu’il faudrait, c’est faire une loi pour la protection des poules qui leur interdise de s’échapper.

samedi 14 mars 2009

liberté

Ils ont débarqué très tôt. Sept et quelques. La porte a volé. Et puis ils ont tout investi, pas à pas, en se couvrant les uns les autres. Tenue de combat, gilet pare balles, fusil d’assaut. De la pièce du fond, derrière mon portable, je les voyais progresser jusqu’à moi. Ils m’ont donné envie de rire. Vraiment. Clownesque. Le ridicule effaçait toute peur. Ils m’ont saisi, flanqué par terre à plat ventre, en pyjama, un genou entre les omoplates, cette position qu’ils ont tous adoptée, très douloureuse, qui vous laisse à peine respirer. C’est comme ça qu’ils ont eu le sans-papiers dans son avion de retour. Ils m’ont relevé. Ma copine dormait nue. Ils l’ont salie avec leurs regards de porcs. Tous les amis ont été tirés du lit. Et puis ils ont commencé à tout fouiller, embarqué l’ordi, et un petit flic, genre gestapo, avec des gants blancs, a épluché la bibliothèque. Il ramassait les livres couleur rouge: Marx, Bakounine, Lafargue, et, avec un sourire de plaisir intense, l’insurrection qui vient. Ils m’ont posé des questions. Je n’ai pas desserré les dents. J’en ai entendu de bonnes. Sale rouge, salopard, terroriste, anar, sous-merde. Je n’ai pas ouvert la bouche. Baisse les yeux, baisse les yeux, sale petit con!... Ils nous ont embarqué. Depuis, ils me torturent. Ils n’ont rien. Ils veulent me faire avouer des trucs que je n’ai pas faits. Que je serais le chef d’un réseau international de terroristes rouges. Leur seule preuve: mes lectures. A croire qu’ils ne savent même pas lire. A priori, ils ne sont pas près de me relâcher. Je ne leur ai rien dit. Pas un mot. Ils n’ont rien. Tant qu’ils n’auront rien, ils me garderont. Ils ne peuvent pas me remettre dehors. A priori, je crois que je vais tenir.

Depuis le 15 novembre 2008, Julien Coupat est en prison. Si j’en crois ses avocats, ses amis, d’autres sources et mon intime conviction, son dossier est totalement vide. En 2009, en France, pays qui fut celui des lumières, on peut être embastillé parce qu’on a de ”mauvaises” lectures. Dans ma bibliothèque, vous trouverez beaucoup de ces opus douteux. Je vous attends. Mort aux vaches et vive la liberté.

vendredi 13 mars 2009

Refaire le passé

Ah! L’internet!... Les moteurs de recherche, la surveillance de tous par chacun... Allez, pensez-y, vous avez sûrement, un jour, signé une pétition, un appel, soutenu une cause. Fiché!...

Je m’y attendais, d’être un jour retrouvé. Mais la surprise, hier, fut que ce soit pour une histoire de coeur. J’ai reçu ton message, Aline... Tu m’y exposes combien tu regrettes de ne m’avoir pas dit plus tôt tout l’amour que tu as pour moi. Ce sentiment étrange qui t’habite depuis plus de trente ans pour n’avoir pas osé m’en entretenir, cette impression que ta vie eût pu en être bouleversée, que ton manque de courage est aujourd’hui pour toi comme un embranchement raté, une fausse route, un regret éternel. Et rien sur ta vie actuelle. Est-elle un complet gâchis? Temporairement difficile? As-tu des remords? Vas-tu jusqu’à souhaiter, ce serait incroyable, que nous reprenions le film à zéro? Rien. Qu’attends-tu de moi?

Lâchement, je n’ai pas répondu. Comme si je n’avais jamais reçu ce foutu message. Il faut que je t’avoue une chose, très chère Aline: je n’ai aucun souvenir de toi.

jeudi 12 mars 2009

miroir, mon beau miroir

Un miroir. Qu’y a-t-il à la fois de plus bête et de plus magique qu’un miroir? Le mien, ce matin, aurait comme oublié de réfléchir avant de me renvoyer mon image. La cata. Évidemment, se lever toutes les nuits pour s’occuper d’un bébé qui refuse de dormir, hein, c’est banal, ça tire les traits. En plus, le petit monstre m’a laissé cinq ou six kilos de trop. Si c’était pour aller au bureau, je m’arrangerais. Mais monter sur scène dans cet état. Aujourd’hui répète. Heureusement, le metteur a surtout misé sur ma voix. Je te fous mon billet qu’à ce rythme, la voix, elle va finir par craquer. Mon amour, mon ange, je t’en prie. Laisse moi dormir. Ça ne se peut pas que d’avoir voulu vivre ma vie de femme me coûte aussi cher. Chienne de vie. Allez, un bon coup de marteau dans le miroir. C’est ça, demain matin, je te casse en mille morceaux. Peut-être qu’il aura dormi. Tu sauverais ta peau, mocheté aux reflets insultants. Allez, mon vieux, c’est ton heure. Sors ta magie.

mercredi 11 mars 2009

Eros et patatras

Leslie est vraiment une femme charmante, facile à vivre et très jolie. Il a de la chance, c’est justement sa femme, à lui. Evidemment, avec le temps.... Mais depuis peu, la Leslie a le feu aux fesses. La quarantaine, l’arrivée de la ménopause, je ne sais quel démon. L’autre soir, la voilà qui lui saute carrément dessus dans la cuisine. Et lui, là, il est bien obligé de dire non. Pas comme ça, pas si vite. J’ai la migraine, vous voyez... Elle le prend mal. C’est vrai qu’il lui a tellement dit qu’elle pourrait faire un effort, s’érotiser, prendre l’initiative, que, là, tout à coup, il a l’air ballot. Vexée, elle l’abandonne à ses casseroles.

Et lui, penaud, il est bien obligé de refaire le film. Des années, il l’a embêtée avec ça. Il rêvait de ça. Et, ce soir, alors que son rêve se réalise, il s’abstrait. Quoi? Vingt ans, trente, en porte-à-faux, dans le paraître, à jouer un rôle. C’est fou ce qu’on peut traîner comme fantômes.

mardi 10 mars 2009

Rêve de femme

Rêve de femme

J’ai encore mes règles. Je devrais m’être habituée. Tous les mois. Mais rien à faire. Pourquoi on est puni, nous autres, tous les mois, d’être des femmes? Quelle m...... La fatigue, l’abattement, le sang partout. Au boulot! On devrait avoir droit à trois jours. Tous les mois. Vingt huit jours. Comme la lune. Un hasard? Con comme la lune. Et puis les tampons. C’est un homme qui a inventé ça. Aucun doute. Une femme aurait trouvé mieux, plus absorbant, plus pratique. Quelle m...... Ils s’en foutent, les hommes. Et encore, il paraît que j'ai de la chance. Maman n'avait pas le droit. Une femme honnête n'a pas de plaisir. Pas touche!...

Si c’était à refaire, M’sieur Darwin, tu pourrais pas sélectionner celles des femmes qui ne les ont pas? La vie serait tellement plus belle.

mon tour

Un blog regroupant toutes mes productions, une seule adresse... ouf!... Mais aussi les affres du texte quotidien, après d'autres, dont le talent angoisse....

Pascal Pratz

lundi 9 mars 2009

lundi 9 mars 2009

Chris

Ma compagne, Chris est son prénom, a .... du caractère. Et la circonstance où elle en démontre le plus, c’est quand on tente de lui faire remarquer qu’elle est un tantinet autoritaire. Un rien. Attention, traversée d’un boulevard pavé d’oeufs frais. Euphémisme obligatoire, silence recommandé. Orage garanti, c’est à prendre ou à laisser.

Dernièrement, nous avons gardé le chien de l’une de ses amies. Les amis, vous savez bien. On est autant fait pour avoir un chien qu’un ogre pédophile des enfants. Mais, braves, on jouait le jeu. On le promenait, en laisse. Et lui, le jeune chien jaune et fou, il ne pensait qu’à batifoler, flairer ce qu’on ne flaire pas, traverser hors de clous, faire des noeuds avec la laisse. A bout de nerfs, Chris lui a tout à coup lâché un terrible: ASSIS!... Façon rage rentrée et voix de caverne. Ça, le chien, il s’est assis. Mais, avec lui, immédiatement, tous les passants présents dans la rue. Cloués sur place. Et comme je la voyais interloquée, surprise et douteuse, j’ai osé une minuscule remarque:

- Tu vois bien qu’il y a un petit quelque chose....

dimanche 8 mars 2009

A Villon

Villon, ami, frère,
par delà le temps,
contre toi le coeur
si peu endurci.

Phantasme de brigand
à la fois poète et génie,
gibet, mandragore, homoncule
Toi, si peu croyant,

Sur le chemin
de ceux qui ne croient,
une pierre,
que j'aime.

samedi 7 mars 2009

deuil

J’ai encore perdu un chicot. A peine assis, il m’a dit qu’il me l’enlevait. Aussi sec. J’ai eu beau protester, lui dire qu’on pouvait peut-être sauver celle-là, rien à faire, il a sorti la pince. Tu fumes, il a dit. C’est à cause de la cigarette. Mon œil. Le maquignon, il connaît pas la génétique. Mon daron il les a perdues une à une ses ratiches. Et il fume pas. Mais non, rien à faire. C’était la sixième. Lui, l’arracheur de dents, il s’y connaît en contre vérités. Tu fumes. C’est de ta faute. Et crac. Je l’ai récupérée. J’aime mes chailles. Elles sont un bout de moi. Je l’ai rangée avec les cinq autres, dans ma table de nuit.

Chaque fois, je pense que, quand je serai plus que de la cendre, mes crocs seront encore là. Ils vont en faire, une drôle de tête, mes petits enfants, quand ils tomberont là-dessus.

vendredi 6 mars 2009

haine outre tombe

L'autre soir , au cimetière - je passe souvent par le cimetière quand je rentre des courses -, il y avait une nouvelle tombe, avec une quantité terrible de fleurs dessus. Sans intérêt. Un jeune papa mort sur la route. Mais le détour m'a permis de voir une tombe que je n'avais jamais visitée.

Une pierre toute simple avec juste le nom et les dates d'un type qui avait vécu soixante deux ans. Mais, sur la tombe, une plaque de marbre disait :

A mon mari

qui a vécu pour rien

et qui est mort de pas grand chose

jeudi 5 mars 2009

moqueuse apothicaire

Sur la boîte de préservatifs que j'ai achetée l'autre jour à la pharmacie , il est écrit que les machins ont tous été contrôlés soigneusement et électroniquement. J'étais content. Ce que je me suis demandé , c'est comment ils font après le contrôle. Ils doivent drôlement s'embêter pour les re-enrouler un à un .

La pharmacienne n'était pas à l'aise quand elle m'a vendu la boîte. Parce que je trouvais ça cher. Elle m'a dit : ça ne fait que cinquante centimes leeee ... Et puis elle a ri bêtement et rougi. Si les pharmaciennes ne sont pas à l'aise avec le produit, comment voulez-vous qu'un jeune de quinze ans qui va tirer son premier coup le soit ? Le Sida y passera pas par moi si la pharmacienne ne rit pas .