jeudi 21 mai 2009

Fil...

J’ai connu un ouvrier de chez Renault qui avait apprivoisé une araignée. Il paraît qu’elles vivent très longtemps, si elles ne rencontrent pas d’humain hostile. Tous les matins, ce gars-là arrivait au boulot avec des mouches dans une boîte d’allumettes. Les boîtes d’allumettes, c’est sur le déclin. Objet en voie de disparition. Y a-t-il des associations qui luttent pour la sauvegarde de la boîte d’allumettes? L’araignée sortait le bout de son nez. Elle était dans un trou du mur, à gauche de sa machine. Elle venait dire bonjour. Elle montait sur sa main, attrapait la mouche et s’en retournait. Autant de fois par jour qu’il avait coincé de mouches la veille au soir. Ce type faisait une différence entre les araignées et les mouches. On a tous nos limites. Ce mec, je sais très bien ce qu’il ressentait. Lui, moi, on est d’une génération pour qui le travail vient vraiment du mot torture. Pour y aller avec un semblant d’allant, chaque matin, il nous faut une bonne raison. J’ai découvert ça quand je me suis acheté une moto. J’allais au boulot en sifflotant, rien que pour le plaisir du tour en moto. Et je tenais tout le jour à cause du plaisir du retour. Lui, c’était son araignée. Des années, ça a duré. Je vous mens pas. Les araignées, ça vit vraiment des années. Et puis un jour, sans prévenir, l’équipe d’entretien a fait de la peinture, que ce soit propre. La propreté!... Y’aurait à dire. Un matin, plus de trou, plus d’araignée. Ce qu’elle était devenue? Partie? Emmurée? Un coup de semelle? Mystère et boule de gomme. Le gars, il l’a pris en-dedans. Vous vous imaginez vous plaindre de la perte de votre chère araignée? En dedans. Il a séché. Sans son amie, le sens de tout devenait proche du rien. Il est mort en quelques mois, d’une saloperie de maladie. La vie, on dit, ça tient à un fil.

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